Affichage des articles dont le libellé est Écoute. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Écoute. Afficher tous les articles

2012-05-10

13'' de Confidences de Philippe Mion pour « peindre avec ses oreilles ».

Comment la perception peut enrichir le geste ?
Les enfants écouteraient-ils avec leur corps ? Il suffit pour s'en persuader de leur proposer d'écouter une pièce musicale dans un grand espace libre. Il sera aisé de constater que dès que la musique commence, ils se mettent en mouvement. Musique et Mouvement semblent pour ces enfants intimement liés. Proposez leur d'écouter « sagement assis » une pièce pour piano et vous observerez que le mouvement est irrépressible. De petits tapotements trahiront cette nécessite impérieuse du mouvement induite par l'écoute musicale. Ne pouvant mobiliser tout leur corps, le mouvement s'installera discrètement au bout de leurs doigts.

J'ai cherché à travers la séquence détaillée ci dessous, à leur permettre de transformer cette énergie initiée par la perception auditive; énergie physique de la vibration reçue et ressentie par le corps, en acte de création et d'expression.

Il aura fallu les amener à effectuer un double travail

  • un premier travail d'écoute et de traduction des perceptions auditives en émotions.
  • Un second de traduction de ces émotions en traces graphiques .

C'est un schéma d'intériorisation et d'appropriation classique

L'idée même d'un travail inscrit inévitablement cette démarche dans la durée. Neuf séances réparties sur près de 4 mois auront été nécessaires pour la mise en œuvre cette séquence.

Sortir de l'immédiateté de la perception, prendre le temps d'hésiter,d'essayer de chercher pour élaborer une pensée me  semble un des apprentissages fondamentaux que l'école maternelle se doit de mettre en place chez ces jeunes enfants.

C'est un réel travail de séparation de renoncement; de passage du plaisir du ressenti immédiat des affects à celui différé du savoir et de la pensée.

Peut être est ce un peu cela que de « Devenir Élève ».


Cette séquence d ' Art Visuel/ Art Acoustique a été réalisée dans une classe de Moyens de Février à Juin 2003 . Durant cette série, les enfants entendront toujours la même courte séquence (13'') tirée de : "CONFIDENCE" de Philippe MION Ils auront à leur disposition une grande feuille blanche et de la peinture noire.
Philippe Mion dans son travail de composition, accorde aux perceptions et aux émotions une place importante.
Confidence (1994-95), 15m19s

Cette pièce a été composée dans l’optique d’une édition phonographique dans la collection Cinéma pour l’oreille. J’aimais bien ces mini-CDs et leur pochette… de poche, jolis petits objets supports de musiques. Pour cette circonstance, j’ai composé une sorte de marqueterie hédoniste dans un esprit sybarite, maniant de l’infime et de l’intime autour de trois pôles compositionnels: la magie des apparitions, des débuts, des attaques; le drame des disparitions et arrêts; le mystère et la tension des silences. Une pièce de charme et de séduction, formellement plutôt volontaire et ‘narrative’, où le minuscule le dispute à l’énorme. Une musique de ‘petite taille’, à écouter entre quatre z’yeux et quelques haut-parleurs.
C'est donc un extrait d'une de cette pièce que j'ai choisi pour soutenir un travail qui cherche à comprendre : Comment la perception peut enrichir le geste ?, comment l'écoute peut permettre de modifier et d'enrichir un geste pictural ?

Les élèves utilisent la peinture uniquement durant les 13" pendant lesquelles ils entendent du son. La réalisation des peintures est un moment intense très codifié. Les élèves ne peuvent pas toucher à la peinture en dehors du temps d'écoute. Au fil des séances, la classe s'installe dans une sorte de cérémonial préparatoire qui plonge les élèves dans un état d'intense concentration tant individuelle que collective.

Une discussion préalable permettra , au début de chaque séance un retour sur le travail déjà accompli. Ces analyses conduiront à modifier ou transformer l'outil produisant la trace. Ainsi nous souhaitons peu à peu :
  • Représenter le Son grâce aux Mouvements du corps.
  • Enrichir la relation Écoute / Geste

Séance 1
La première séance est consacrée à la mise en place , et à la réalisation d'une trace témoin réalisée au pinceau brosse ronde.Les enfants ont l' habitude d'écouter de la musique contemporaine en classe. Ils ont beaucoup travaillé l'écoute et la prise de repères sonores dans la musique.
Ils découvrent l'extrait ; s'exercent avec le pinceau , au sol sans peinture en écoutant plusieurs fois la pièce.
Ils passent ensuite à la peinture sur table , à plat , sur des feuilles 64*45 cm par petits groupes de 5 à 6 enfants.
Séance 2
Première séance de recherche :
Il n'y a pas de pinceau aujourd'hui avec quoi pouvons nous peindre ? Les enfants décident de peindre avec leurs deux mains.

Séance 3
Proposition : Nous avons peint avec les mains , si nous utilisions aujourd'hui un outils un objet de la classe.
Les enfants décident de peindre avec un mouchoir en papier.

Séance 4
L' analyse des productions de la séance 3 fait apparaitre que les traces laissées sont trés larges et
que la peinture au mouchoir était difficile car les mouchoirs étaient "tout mous" .
Proposition : On peut chercher un outil ayant des qualités opposées à celles du mouchoir .
Les enfants recherchent et décident de Peindre avec les doigts "tendus" (rigides)

Séance 5
Observation des productions des deux séances précédentes.
Proposition : Vous avez déjà peint avec des mouchoirs et les doigts tendus,
Recherchez une nouvelle façon de peindre.
Les enfants recherchent et décident de
Peindre avec des doigts "tendus" (rigides) qui poussent un mouchoir en papier

Séance 6
Bilan et commentaires de la séance précédente, les enfants font part de leurs
difficultés à manipuler les mouchoirs au bout des doigts.
Proposition : Trouvez une manière plus simple de peindre.
Les enfants recherchent et décident de:
Peindre avec les deux faces de la main

Séance 7 : 1ère Partie
Analyse des productions précédentes. Les enfants observent des traces trés larges.
Proposition : Chercher un moyen de peindre en faisant des traces plus fines.
Les enfants recherchent et décident de:
Peindre en griffant comme un lion.

Séance 7 : 2nde Partie
Afin de contrôler l'impact de l'écoute de la musique sur les production des enfants,
il leur est proposé de Peindre en griffant comme un lion pendant 13" * mais
sans entendre de musique.
* les 13" sont matérialisées par un top départ et un top final
Essai sans la Musique

Séance 8
Retour à un outil classique en utilisant les actions et
mouvements expérimentés dans les séances précédentes.
Peindre avec une brosse plate large

Séance 9 : Bilan
Comparaison entre les traces témoins de la première séance et les productions de la dernière séance réalisées avec le même outil , dans les même conditions.
Pour un même élève
même consigne ; même outil :
.....................................................
Séance 1 Séance 9
Témoin Finale
20/03/2003 04/07/2003


Force est de constater que les traces de la dernière séance ont une dynamique, un richesse que n'ont pas les premières. 
Les variations contenues dans la musique sont perceptibles car le geste n'est plus retenu comme dans les premiers essais.


Cette séquence en regard des objectifs des programmes de 2008.
AGIR ET S’EXPRIMER AVEC SON CORPS
  • adapter ses déplacements à des environnements ou contraintes variés ;
  • - s’exprimer sur un rythme musical ou non, avec un engin ou non ; exprimer des sentiments et des émotions par le geste et le déplacement

PERCEVOIR, SENTIR, IMAGINER, CRÉER
- adapter son geste aux contraintes matérielles (instruments, supports, matériels) ;




Licence Creative Commons
Ce(tte) œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International.

2012-01-11

Comment inviter Roman Jakobson à l'école maternelle ?

Comment inviter Roman Jakobson à l'école maternelle.
Quelle métaphonologie à 5 ans ?
« Il faut préparer les élèves à apprendre à lire et à écrire ; leur faire distinguer les sons de la parole. Ils doivent découvrir tôt le plaisir de jouer avec les mots et les sonorités de la langue. Progressivement ils doivent discriminer les sons et pouvoir effectuer diverses opérations sur ces composants de la langue (localiser, substituer, inverser, ajouter, combiner...). L’enseignant doit être attentif à la progression adoptée pour ces activités orales, exigeantes ». Voilà ce que nous invitent à mettre en place les programmes de 2008 pour l'école maternelle.
Voilà ce que les programmes de 2008 nous invitent à mettre en place pour l'école maternelle.
Revenons donc un peu sur le pourquoi de tout cela. Jean Émile GOMBERT publie en 1990 (1) des travaux universitaires sur le développement métalinguistique et la métaphonologie. Il apporte des données importantes sur la relation entre un travail sur les sons du langage et les apprentissages de la lecture et de l'écriture.
Il définit la métaphonologie comme « l'ensemble des capacités d'identifier les composants phonologiques des unités linguistiques et de les manipuler de façon délibérée ». Elle est une analyse explicite (donc consciente) de la parole et de ses composants phonologiques. J E GOMBERT montre qu'au-delà de la simple segmentation (syllabique et/ou phonémique ) l'entraînement à des taches de décomposition et de recomposition de mots uni-syllabiques produisent un effet facilitateur sur l' apprentissage de la lecture.
L ' apparition des premiers comportements méta-phonologiques peut être provoquée dès l' âge de 5 ans et : " l'introduction dans l' éducation préscolaire d ' activités qui demandent à l' enfant d' abord de prêter attention à la composante phonologique du langage, puis d ' analyser ses productions en constituants de plus en plus petits, peut aider le futur lecteur potentiel lorsqu'il sera confronté à l'apprentissage de la lecture ".(1) La pédagogie de la langue écrite doit s ' appuyer sur une préparation métalinguistique préalable.

Comment intégrer la métaphonologie à une pratique de classe en maternelle ?
La connaissance de l’appareil phonatoire , de ses composants, (voile du palais, résonateurs, langue, glotte …) de ses capacités phoniques, est un élément qui peut aider les enfants à contrôler leur production vocale. C’est aussi pour l’enseignant un outil très efficace lorsqu’il s’agit d’expliquer aux enfants comment se produisent certains sons. Cette connaissance se construit progressivement.
Le premier réflexe d' un enseignant de maternelle est de tenter relier les notions qu'il doit faire intégrer à ses élèves à des situations vécues. De faire que les enfants manipulent ce qu'ils ont à apprendre afin de mieux l'intégrer. Pour ma part j'ai pris cela au pied de la lettre. J'ai proposé à mes élèves de « manipuler » leur appareil phonatoire, d'explorer leur cavité buccale avec les mains, ou plus exactement avec les doigts.
Systématiquement au fil des premières séances, j'ai proposé aux élèves d'opérer une reconnaissance des dents, des joues, du palais, du voile du palais. Nous avons appris à localiser le devant des dents, l'arrière, avec les doigts et la pointe de la langue. Nous avons fait pratiquer aux élèves une exploration systématique de la cavité buccale, sans omettre bien entendu d'en nommer chaque partie.
J'ai pu constater que ces jeux procurent un réel plaisir à ces jeunes élèves. La possibilité de mettre les doigts dans la bouche, ce qui est inhabituel dans un moment de classe, mais aussi de regarder dans la bouche du voisin, font de ces explorations des moments mémorables pour les élèves. Je leur ai aussi montré un courte vidéo de cordes vocales en action ce qui leur a permis de « voir la voix ». Ces simples activités permettent d'installer l'écoute et suscitent un réel intérêt pour la voix et pour les sons qui servent à parler. Dans tous les cas pour les élèves ce fut une découverte faite avec plaisir.
Une fois ces découvertes effectuées, il est temps de proposer un travail plus spécifique sur le son. Qui mieux que Roman Jackobson, père de la linguistique moderne, pourrait être à même d'aider les enseignants à construire une progression dans la découverte des sons du langage. C'est donc vers lui que très naturellement je me suis tourné.
JAKOBSON nous propose une chronologie du développement du système phonématique (2). Cette chronologie, pourra servir de base à une progression du travail sur les sons du langage. L'évolution phonique détaillée par JAKOBSON, montre que l ' éclatement de la voyelle large, conduit au stade suivante ; le triangle vocalique [ a ] A , [ i ] I , [ y ] U (fig 1). De là se différencieront les autres voyelles. Dans le cas des consonnes, les antérieures précèdent les postérieures de même que les occlusives apparaissent avant les constrictives.
Au-delà d' une simple chronologie, ce que nous enseigne JAKOBSON, c' est le principe des Lois de Solidarité ; c'est à dire la corrélation entre deux éléments ou l'acquisition de l'un présuppose l'acquisition de l'autre et ce dans toutes les langues du monde. Cette notion nous permettra d'avoir d'importants repères dans l'évaluation des capacités phoniques des enfants et donc de mieux adapter notre stratégie pédagogique.
Un exemple de cycle de travail sur la production sonore des voyelles.
figure 1
Généralement les sons des voyelles de base [ a ] A , [ i ] I , [ y ] U sont bien identifiés et ne posent que peu de difficultés articulatoires. L’objectif de cette séquence est de faire prendre conscience aux enfants des différences d’aperture des voyelles qui, particulièrement dans notre région (Bordeaux) peuvent présenter quelques "subtilités". Comme par exemple : O ouvert / fermé ; A ouvert / fermé ; É ouvert / fermé.
Les premières séances seront consacrées à la production du son [a ] A, de la manière la plus naturelle possible ; à partir du bâillement. Puis par une simple modification de la cavité buccale (étirement de la bouche, entraînant la fermeture du maxillaire) ,les enfants entendront leur production [a], se transformer progressivement en [i] I. Ils constateront cette modification plus qu'ils ne la provoqueront. C'est le mouvement du maxillaire qui transformera le son plus qu'une réelle volonté de la part des élèves.
Dans un second temps, nous demanderons aux élèves d'allonger les lèvres vers l'avant. Ce mouvement des lèvres déplace très naturellement le point d'articulation vers l'arrière et transforme très naturellement le [ i ] I en [ y ] U .
Le triangle de JAKOBSON (fig. 1) se trouve ainsi reconstruit par les enfants uniquement grâce à des indications de mouvements très simples.
Par la suite, il sera possible de faire prendre conscience aux élèves de modifications sonores, produites par le mouvement lent et progressif de fermeture et d'ouverture de la cavité buccale. Dans le triangle initial viendront s'intercaler ne nouvelles voyelles, [ o ] O, [ u ] OU, [ e ] É.
Dans ce passage progressif d'un son à l'autre , j'ai souvent constaté chez les élèves, des manifestations de surprise et une certaine jubilation à entendre se former un nouveau son. Ils ont visiblement du plaisir à voir apparaître et reconnaître le [ o ] O qui se forme lors du passage de [ a ] A à [ y ] U. Tout comme le [ e ] É entre le [ i ] I et le [ a ] A lors de l'ouverture.
Plus finement encore, il sera possible d’aborder des sons beaucoup plus proches comme la distinction ouvert/fermé, pour une même voyelle: O ouvert / fermé ; A ouvert / fermé ; É ouvert / fermé (voir figure 3 ci dessous). Nous avons là encore constaté le même plaisir lorsque les enfants découvrent et entendent ces différences.
Au terme de ce travail, nous avons constaté qu'une très grande majorité des élèves pouvait reconnaître et produire toutes les voyelles étudiées.
Pour ces élèves les constituants les plus petits du langage sont devenus des objets d'observation et d'étude d’une façon très naturelle. Ils ont bâti une connaissance et des compétences phonologiques qui s'appuient sur une véritable expérience sensorielle.
Des évaluations réalisées à partir de jeux de comptines, de jeux d’écho, donc hors du contexte d’apprentissage, ont montré que ce travail spécifique permet l' acquisition d'un savoir phonologique suffisamment solide pour être transposable. Il est donc envisageable de penser que ces compétences pourront être utilisées lors de l’apprentissage systématique de la lecture.

Sources :
(1) GOMBERT, J.E. (1990). Le développement métalinguistique. Paris: P.U.F, collection "Psychologie d'Aujourd'hui".
(2) JACKOBSON, R. (1973). Essais de linguistique générale, 2, Paris, Éditions de minuit.
Licence Creative Commons
Ce(tte) œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International.

2011-12-16

Compte rendu d’utilisation de la Méta Mallette

Compte rendu d’utilisation de la Méta Mallette

Compte rendu d’utilisation de la Méta Mallette
Philippe GUILLEM
Ecole Maternelle A.Camus 33400 Talence
2010 / 2011

.
Objet : Observation d’ une utilisation “non directive” de la Méta-Mallette par des jeunes enfants
Mots Clé : Méta-Mallette, Maternelle, Non directif*
Lien : http://www.pucemuse.com/
Constat de départ :
Enseignant Maître Formateur en Musique et travaillant en collaboration avec le Studio de Création et de Recherche et Informatique et Musique Electroacoustique ( SCRIME Bordeaux I ) j’ai choisi d’utiliser la Méta-Mallette développée par PUCE MUSE, dans ma classe de Moyenne et Grande Section.
Les protocoles d’utilisation de la Méta-Mallette proposés par PUCE MUSE pour les enfants me semblaient très directifs. Leur objectif était à ma connaissance de permettre à un groupe d’interpréter une pièce écrite, dans un temps relativement bref. J’ai choisi d’observer comment des jeunes enfants pouvaient découvrir et s’approprier cet instrument sans protocole pré-établi.
Le dispositif :
La Méta-Mallette est installée en classe en permanence, son accès est libre. Les élèves l’utilisent au moment de l’accueil et lorsqu’ils ont terminé leur activité de classe. Il s’agissait d’une Méta-Mallette version 2 ; avant le passage aux objet 3D . La configuration était simple; 4 manettes contrôlant 4 instruments MémAccel avec leur mapping (configuration) d’origine. Seuls les sons ont été modifiés , chaque instrument utilisant un son différent tiré de la banque fournie avec la mallette. Il est à noter que les sons d’origine n’appelaient pas immédiatement les enfants à se représenter quelque chose de connu( grésillements, sifflements craquements…).
Les Observations :
  1. Phase de découverte libre :
L’observation a duré pendant trois mois, pendant lesquels les élèves avaient la possibilité d’utiliser la Mallette en classe quand et comme bon leur semblait. Les observations ont été faites ponctuellement par prise de note ou enregistrement vidéo.
  • Premières prises en main : Les élèves vont spontanément vers ce nouveau jeu installé dans la classe. Il s’en saisissent soit avec une seule main soit parfois deux mains. Aucune consigne d’utilisation n’est donnée, si ce n’est que l’appareil est relativement fragile et qu’il faut y faire attention au même titre que les autres jeux de la classe. Les élèves manipulent les manettes manifestant leurs interrogations au sujet de l’objet. « Qu’est ce c’est ? » « cela ne marche pas ! » « Comment cela marche ? ». En appuyant accidentellement sur la gâchette, certains déclenchent l’instrument. Les réactions sont vives et les interrogations suscitent rapidement des échanges verbaux, des recherches, des explications entre élèves. Les élèves focalisent uniquement sur l’image.
  • Premiers Jeux : Passée la phase de découverte les élèves commencent à organiser de petit jeux, basés sur ce qui est affiché à l’écran. Essentiellement des jeux construit à partir des objets affichés à l’écran et sur l’association de ces objets à un joueur. Un peu comme dans la cour de récréation ils jouent à « T’es ou ? », « Coucou je suis là ! », « Je suis caché ! » en utilisant le relâchement de la gâchette pour faire disparaître l’objet de l’écran. Ces premiers jeux peuvent voir le jour à partir du moment ou les élèves commencent à associer un objet à l’écran avec un utilisateur du dispositif. Le langage et les échanges permettent ces associations. A partir de cela, les élèves vont pouvoir construire des jeux d’interactions du type « Tous sur lui! », « Tous dans un coin! », « Cache Cache! ».
  • Premières remarques :
  • On observe qu’a ce stade les élèves ne semblent pas tenir compte des sons produits par les instruments. Je n’ai pas noté de marques ou d’attitudes d’écoute dirigées vers le son, de commentaires à propos des sons… Les enfants semblent être avant tout dans l’action, dans le mouvement, et sont accaparés par le mouvement des objets à l’écran. Probablement en écho à leur propre désir de mouvement et d’action.
  • Les échanges verbaux sont au cœur des jeux. Le jeu se situe véritablement devant l’écran entre les protagonistes. La machine semble n’être qu’un support, un moyen de laisser des traces de ce jeu. La machine est partagée au même titre que l’espace physique, à l’image d’un terrain de jeu. Cela renforce, à mon sens les propos de Serge de Laubier qui souhaite proposer un instrument virtuel, collectif, qui préserve et suscite les « échanges réels »; contacts physiques, regards, échanges verbaux au sein d’un espace physique partagé.
  1. Phase de découverte accompagnée :
Nous avons donc été amenés à nous poser suivante: Comment amener ces enfants à prendre conscience des associations Image/Son/Mouvement que propose la Méta-Mallette ?
A ce stade nous avons choisi de travailler dans deux directions. D’une part essayer de faire en sorte que les élèves prennent conscience « sensoriellement » de la présence de ce son. D’autre part de leur proposer la possibilité de mettre du sens sur les sons de l’instrument. Ceci afin que les élèves puissent reconnaître ces sons et les prendre en considération lors de leur jeu avec les instruments.
  1. Accompagnement Sensoriel
Dans ces situations de découverte de l’instrument, à l’évidence les sons étaient perçus par les joueurs; en tout cas ils étaient perçus par toutes les autres personnes présentes en classe à ce moment là. Nous avons donc mis en place des ateliers de Méta-Mallette qui à notre avis devaient permettre aux élèves de mieux prendre en considération les sons produits par les instruments. Par petits groupes de quatre dans une salle isolée du reste de la classe , nous leur avons proposé un atelier composé de 3 temps.
1 Utilisation libre de l’instrument avec la configuration d’origine (4 MémAccel)
2 Utilisation Libre de l’instrument ; écran éteint.
3 Utilisation libre de l’instrument avec écran à nouveau en service.
Lors de la prise en main de l’instrument écran éteint les élèves ont manifesté énormément d’étonnement. Il semblaient percevoir les sons « comme pour la première fois ». Cela se manifestait par: un arrêt du jeu, un arrêt des échanges verbaux, des plages de silence, des postures d’écoute (immobile les yeux grands ouverts ), des essais de « marche / arrêt » avec la production du son.
Lors du troisième temps de l’atelier avec remise en fonction de l’écran. Nous avons constaté la reprise des jeux comme pendant le premier temps de l’atelier. Il semblerait que dans ces cas d’utilisation libre, le jeu avec l’image prévale grandement sur le jeu avec le son, au point de le recouvrir totalement.
  1. Accompagnement Sémantique
  • Sens et langage
Nous avons cherché à proposer aux élèves, des sons qu’ils puissent reconnaître. Pour cela nous avons modifié la configuration initiale en remplaçant les sons d’origine des instruments par des prénoms d’enfants de la classe. La réaction des élèves a été surprenante et instantanée. En découvrant la possibilité de jouer avec les prénoms, ils ont pris des attitudes d’écoute, tout comme lors de la phase « sans écran » des ateliers précédemment cités. Cependant l’écran était toujours allumé et les objets se déplaçaient sur l’écran. Avec la possibilité de mettre un sens sur les sons entendus , les élèves ont pu immédiatement se centrer sur l’écoute des sons de l’instrument. Ils ont pu percevoir et jouer avec les possibilités de modification du sons; choses qui jusqu’alors n’avaient pas été remarquée et encore moins explorée. Il leur était à mon avis plus facile de percevoir les modifications appliquées au son car il connaissaient bien le son initial de référence (prénom). Avec cette configuration d’instrument nous avons pu observer des enfants qui jouaient toujours avec les images de l’écran ,mais qui aussi jouaient avec les déformations qu’ils appliquaient au sons des prénoms de la classe.
Les élèves sont même allés au delà de ces jeux simples. Spontanément ils sont allés vers l’utilisation des instruments pour la construction de petites séquences rythmiques qui manifestement les conduisaient à « danser ». Ils sont sortis des reproductions de jeux « sociaux » pour fabriquer une musique capable de mettre le corps en mouvement.
  • Sens et Corps
Cette année j’ai repris l’utilisation de la Méta-Mallette dans la classe mais dans sa version 3 avec une configuration différente: 1 MémAccel / 2 MémaSample / 1 MémaScratch. Les élèves tout comme lors des essais précédents, se saisissent de l’instrument assez facilement. Les premières découvertes passées, contrairement à ce que l’on avait pu observer lors de la première session, j’ai eu la surprise de voir les élèves danser en même temps qu’ils jouaient la Méta-Mallette. La différence essentielle réside à mon avis, dans le fait que les MémaSamples utilisés étaient programmés avec des boucles de batterie. Visiblement ( audiblement devrais-je dire ) ces boucles comportaient suffisamment de sens pour détourner l’attention des élèves de l’image de l’écran vers le son. Le son était bien présent et pris en compte dans leur jeu. Le corps par la danse manifestait une certaines intelligibilité du son produit par l’instrument.
  1. Quelques éléments de conclusion.
Quelques brèves conclusions à tirer de ces petits moments d’observation.
  • Les enfants sont spontanément très curieux de l’instrument.
  • Ils prennent beaucoup de plaisir à jouer ensemble avec la Mallette.
  • La mallette suscite énormément d’interactions entre les joueurs. Des rires de complicité, des échanges verbaux très divers ( explications, encouragements, ordres, conflits …)
  • Spontanément ils ne considèrent le son que s'ils ont une bonne raison; s'ils comprennent « quelque chose » de ce son. Pour cela il semble nécessaire qu’ils puissent associer ce son à quelque chose de connu, d’intelligible; une parole (prénoms), un comportement (danse). Dans ces deux cas seulement les élèves, interagissent intentionnellement  avec le son. Ils jouent des silences, des répétitions, des boucles, des réponses; ils arrivent à structurer véritablement leur production sonore.
Merci à Estelle Lepinard étudiante en Master de Musicologie qui a conduit les ateliers d’accompagnement sensoriels.
Merci à Serge de Laubier, Nolwen Hugain, et Puce Muse pour leurs conseils et la Méta-Mallette.
Licence Creative Commons
Ce(tte) œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International.