Apprendre les réseaux sociaux à l’école maternelle .
Ces derniers mois ont vu un nombre croissant d’enseignants se tourner vers l’utilisation des réseaux sociaux dans le cadre de leur pratique de classe. Il semble que le réseau Twitter leur ait offert un terrain d’expérimentation pédagogique. Pour s’en convaincre il suffit de consulter le travail de B. Formet sur le « posterous » Twittclasses qui répertorie les classes qui « twittent » et propose nombre de liens questionnant cette pratique émergente.
A l’école maternelle seulement 3 classes, d’aujourd’hui se sont engagées dans cette découverte. Pourquoi se lancer dans un tel travail en maternelle ? Pour qui ? Pour apprendre quoi ? Et à qui ? . Telles sont les questions qui se sont posées, dés le début du projet que je mène en classe de moyenne et grande section depuis le mois de mai 2011, « @camusmat04 » dans une école maternelle de Talence près de Bordeaux.
Dans cet article je laisserai délibérément de côté, l’intérêt pédagogique lié à la production d’écrit, à l’expression et la communication pour questionner les problèmes liés à l’apprentissage des réseaux sociaux et plus généralement du web 2.0.
Investir les réseaux sociaux n’est pas sans risques, il suffit de constater certaines dérives générées par une utilisation de Facebook, sans contrôle et sans apprentissage. Dans le cadre de la classe il convient donc d’être d’une grande prudence.
Il m’a paru nécessaire de travailler dans deux directions. Tout d’abord en direction des élèves dans le cadre de l’utilisation de Twitter dans la classe et en second lieu en direction des parents, en les associant étroitement au projet.
1 . Un Projet d’écriture porteur de sens au quotidien.
En deux mots. Le projet est bâtit autour d’un atelier d’écriture quotidien pour informer les parents de certaines activités de la classe. Les élèves produisent donc un texte quotidiennement. Ce petit texte d’un maximum de 140 caractères (format autorisé par Twitter) est mis en ligne à l’intention de leurs parents.
Le choix des sujets est débattu en classe et soumis au vote lorsqu’il n’y a pas de consensus. Les sujets peuvent sembler parfois anodins « Des ouvriers sont venus pour construire un nouveau garage à vélo » ils sont parfois poétiques « Aujourd’hui Emy a apporté une plume de mouette » mais pas pour autant choisis au hasard. Quand ils décident d’écrire « Aujourd’hui, nous avons remarqué que les feuilles de la chayotte ont poussé. » ce court texte retrace réellement leur préoccupation du moment, celle qui a de l’importance, qui témoigne d’un quotidien collectif.
Ces textes sont tous des moments partagés, le plus souvent agréablement « Thomas a apporté un dragon. Nous jouons avec son dragon dans le château-fort. », mais pas seulement. « Aujourd’hui nous avons perdu au jeu du trésor parce que un élève a parlé pendant le jeu. » évoque la profonde déception collective de ne pas pouvoir continuer à jouer ensemble, peut-être aussi de ne pas pouvoir gagner ce jour là. « Nous avons essayé d’ écrire sorcière sans modèle. Nous avons presque réussi tout seul. » dit l’effort demandé en classe, la difficulté, et la satisfaction de progresser.
Ces textes même très courts ont à mon avis une réelle valeur pour ces enfants, la valeur de leur authenticité. Le plaisir qu’ils ont à les produire est visible pendant ces moments d’écriture. Lorsque après deux mois et demi et 40 messages, j’ai demandé aux élèves s'ils voulaient arrêter d’écrire sur Twitter leur réponse fut unanimement et fermement « NON ! » . L’incompréhension était lisible sur leur visage et la question leur paraissait visiblement saugrenue.
Je leur ai donc demandé pourquoi ils ne voulaient pas arrêter. Les réponses ont été tout d’abord assez convenues, reprenant les arguments utilisés pour la mise en place du projet.
Les élèves se plaçant du côté des parents : « Les parents il faut qu’ils sachent ce qu’il se passe dans la classe. », « Ils ne vont pas savoir. », « Ils vont croire que l’on a pas travaillé. ».
Puis l’argumentaire a tourné autour du contenu de la classe : « Si on écrit pas ils croiront que c’est une journée comme les autres, qu’il n’y a rien de spécial. », « Si on arrête , on ne peut plus travailler sur les phrases »(allusion au travail de lecture effectué à partir de leurs écrits), « comme cela on ne va pas se tromper en racontant des choses de la classe. ».
Insensiblement ils en sont arrivés à des considérations beaucoup plus personnelles : « J’aime bien quand on répète et qu’on entoure les mots. » , ils ont finalement parlé du plaisir qu’ils prenaient à écrire : « C’est rigolo d’écrire des phrases », « J’aime bien que les parents voient notre travail. ». En écrivant sur Twitter: « On apprend l’école et les mots. » fut la touche finale qui à elle seule résumait une grande partie des échanges.
Il y aurait énormément à développer sur la teneur de ces échanges, et sur ce qu’ils révèlent des perceptions qu’ont les élèves de leur vie en classe. Ce que je retiendrais simplement dans le cadre de cet article, c’est que dans une activité d’écriture bâtie autour d’une réelle situation de communication, les élèves disent éprouver du plaisir à écrire. Twitter peut permettre aussi cela.
- Un objectif : Aider les élèves à élaborer une attitude de prudence et de responsabilité dans l’utilisation des réseaux sociaux.
- Un objet numérique clairement défini: Il s’agit de créer une bulle dans Twitter au sein de laquelle les parents pourront venir chercher des informations sur la vie de la classe. Une sorte de réseau de micro blogging privé, fermé, sur lequel seule la classe peut publier. Les parents suivent le compte de la classe mais la classe ne suit pas les comptes des parents.
- Adopter une attitude prudente sur le réseau.
Le projet porte sur une communication avec les parents, il a été présenté comme une réponse à la demande des parents qui souhaitaient avoir plus d’information sur ce qui se passe en classe. Les élèves ont voulu répondre favorablement à cette demande.
Il convient donc de permettre aux élèves de contrôler l’accès à cet espace, d'établir un filtre pour les demandes d’abonnement au compte de la classe. Le paramétrage de Twitter permet de "modérer" les demandes d’abonnement en faisant apparaître un bouton « vous avez de nouvelles demandes d’abonnement ».
Chaque demande est ainsi discutée en grand groupe. Elle n’est acceptée que dans la mesure où un élève ou le maître peut assurer au reste de la classe qu’il s’agit de quelqu’un de connu. Cela suppose donc qu’en amont, les parents ont informé leur enfant de leur intention de suivre les messages de la classe et que les élèves peuvent attester de cela. Cela demande d’instaurer un dialogue entre parents et enfants autour de l’utilisation du réseau.
Plusieurs cas de figure ont été rencontrés :
- La demande émane d’un parent ( grand-parent, famille …) et l’élève est au courant: la demande est acceptée.
- La demande émane d’un parent et l’élève n’est pas au courant: l’ acceptation est reportée et le groupe demande à l’élève de se renseigner auprès de ses parents.
- La demande émane d’une personne connue de la classe (stagiaire , intervenant ..) la classe demande confirmation à cette personne.
- La demande émane de quelqu’un connu de l’enseignant: La demande est acceptée avec des explications de l’enseignant. (c’est quelqu’un avec qui je travaille , quelqu’un qui s’ intéresse à votre travail …)
- La demande émane de quelqu’un d’inconnu mais dont on peut vérifier l’identité ou avec qui on peut entrer en contact ( twittclasses au canada…) : la demande est acceptée.
- La demande émane de quelqu’un qui n’est connu de personne : La demande est refusée. ( établissement publicitaire, spam…)
L’important dans ce protocole d’acceptation est de leur faire prendre conscience que l’on peut refuser d’être en relation avec quelqu’un, de mettre les élèves en situation de choix raisonné quand ils ont à faire avec le réseau.
- Adopter une attitude responsable sur le réseau
Les publications relatent des évènements vécus au sein de la classe. Lors de l’élaboration des messages, le maître rappelle aux élèves que leur texte doit être compréhensible par les parents et qu’il doit informer et/ou expliquer un moment de classe. La priorité est donnée au sens et à la communication destinée à quelqu’un.
Lors des ateliers d’écriture les élèves ont proposé de relater un incident de la classe impliquant l’un d’entre eux. Ils souhaitaient nommer l’enfant responsable de l’incident et dire qu’il avait été puni. Le maître a alors demandé aux élèves s'ils étaient vraiment sûrs de vouloir écrire cela. De cette question est née une discussion qui a conduit les élèves s’interroger sur ce que l’on pouvait publier sur le réseau. Ils ont constaté par eux même que s'ils avaient fait une petite bêtise en classe, ils n’aimeraient pas que leurs parents et tous les autres soient mis au courant. Ils ont donc choisi de revenir sur leur idée de départ et de relater l’incident sans mentionner le nom de l’enfant incriminé. Cet exemple permet de saisir à quel point la régulation proposée par l’adulte et importante et permet aux élève de prendre conscience qu’il est nécessaire de garantir le respect de chacun.
Cette même situation s’est présentée une seconde fois, et spontanément la classe s’est régulée toute seule, des élèves proposant immédiatement de ne pas retenir le sujet en argumentant justement leur propos. On peut donc raisonnablement penser qu’il y a eu un début d’apprentissage de l’utilisation raisonnée du réseau.
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3 . Pour les parents, Twitter est un « autre monde », nouveau, dans lequel ils vivent sans toujours en avoir conscience.
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S'il parait nécessaire et possible d’apprendre les réseaux sociaux aux élèves de classe maternelle, il n’est pas moins important d’amener les parents à l’utilisation ou au moins à la connaissance de ces mêmes réseaux.
La majeure partie des parents n’étaient au départ inscrits sur aucun réseau social. Aucun sur Twitter et très peu sur Facebook. Ce projet a d’une certaine façon, contraint les parents à aller vers le réseau Twitter puisque il était la réponse proposée, à leur demande d’avoir plus d’informations sur la vie de la classe. L’an dernier en deux mois plus de 80% des parents de la classe avaient ouvert un compte Twitter. Il a bien sur fallu les accompagner dans cette démarche. Un tutoriel simple, les a guidés dans la création et le paramétrage de leur compte.
Dans ce projet les enfants conduisent leurs parents dans les mondes numériques. Pour les parents, se voir guidé par un enfants de 4 ans dans l’utilisation des réseaux sociaux ou d’objets numériques comme la tablette tactile, les amène souvent à réagir. C’est de ce constat parfois un peu brutal que peut naître chez ces adultes la prise de conscience de la nécessité d’avoir une sorte de veille éducative sur les nouvelles technologies. En effet si les parents sont déjà dépassés par leurs enfants dans le domaine des nouvelles technologies, qu’en sera-t-il dans 10 ans ?
J’ai pu constater que certains parents ont adhéré très rapidement à cette démarche. Ils étaient avant tout très intéressés par le fait de pouvoir obtenir des informations sur la vie de la classe mais aussi sensibles aux enjeux qui leur avaient été présentés lors de la réunion d’information en début d’année.
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4 . Des écueils repérés durant ce projet.
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Comme nous l’avons vu un certain nombre de précautions, ont été prises dans l’utilisation de Twitter, tant autour du paramétrage du compte de la classe, qu’autour de la publication des messages. L’expérience à mis en lumière de nouveaux écueils, qui demandent toute notre vigilance.
- Attention aux « hashtag »
Le système de Mot clic (hashtag en anglais) est un système de marquage des messages utilisés par Twitter. Il suffit de faire précéder un mot par # (#mot) pour que le message se trouve ainsi « taggé », marqué. Le hashtag devient aussi un lien qui qui permet d’accéder à tous les autres messages de Twitter comportant le même mot-clic. Très utile sur Twitter pour faire des recherches ce système est à surveiller de très près dans le cadre d’une utilisation en classe.
Un mot clic apparemment anodin peut très bien avoir été déjà utilisé sur Twitter et conduire à des contenus totalement inappropriés à un usage de classe. Cela nous conduit nécessairement à aborder avec les élèves, les dangers que l’on peut rencontrer sur le réseau et dans les contenus en ligne du Web 2.0. Suivant l’âge des élèves, un accompagnement doit être mis en place. Pour ma part, dans l’utilisation en classe, j’ai choisi de ne pas utiliser ces mots clic pour l’instant.
- Surveiller le paramétrage des comptes parents
La plupart des parents étant néophytes sur les réseaux sociaux, j’ai donc proposé en début d’année une réunion d’information, au cours de laquelle les parents ont été informés du fonctionnement de Twitter et des procédures d’inscription et de sécurité. Je leur ai aussi proposé une notice papier plus détaillée concernant le paramétrage de leur compte et sa mise en sécurité. Je leur ai spécialement demandé de n’utiliser le compte qu’ils ont créé que pour consulter le compte de la classe. S'ils utilisent leur compte pour s’abonner à d’autres compte que celui de la classe, ces abonnements seront visibles par les autres parents eux aussi abonnés au compte de la classe. Si c’est effectivement un choix de leur part, cela ne pose pas de problème particulier. Cependant, le paramétrage par défaut ne met pas leurs données hors de vue des autres. J’ai donc veillé pour chaque compte ouvert, à ce que l’accès à ces informations soit véritablement un choix. Force est de constater que ce n’était pas toujours le cas.
Pour beaucoup de parents l’accès à ces réseaux est une première, cela nécessite visiblement un accompagnement qu’à mon avis il ne faut pas négliger. Pour cela au moment de l’accueil, une machine en classe propose l’accès à Twitter. Ainsi avec eux, il est possible de répondre à leurs interrogations ou parfois même de les accompagner dans le paramétrage de leur compte.
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5 . Découvrir et Apprendre son identité numérique
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L’utilisation du réseau social a opéré dans certains cas une transformation des modalités de communications entre parents et enfants. Certains parents m’ont rapporté le fait que le soir, ils demandaient à leur enfant des précisions sur qu’il avait fait dans la journée, car ils l’avaient lu sur Twitter.
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Le réseau a permis aux parents d’obtenir des informations sur la vie de leur enfant par de nouveaux canaux. Ceci pourrait être vécu par les enfants comme une intrusion dans leur vie personnelle, mais dans la mesure où ce qui est publié a déjà été discuté et choisi, la publicité de ces informations fait qu’ils savent que leur intimité reste préservée.
Nous touchons ici les problématiques fondamentales des réseaux sociaux.
Quelle est notre trace numérique ?
Comment en prendre conscience et se l’approprier ?
Comment en rester maître ?
Comment penser son identité numérique ?
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Ce projet permet de penser raisonnablement que cela peut commencer dès l’école maternelle.
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Merci à
Yann Leroux pour L’enfant connecte. Journees d’etudes nationales de la Federation des CMPP. Le jeu video comme dispositif a penser.
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Regardez jeunesse éducation, avenir, partie 3 minute 31 ca vous sera GRANDEMENT UTILE http://www.youtube.com/watch?v=3vlILu2qPvM
RépondreSupprimerBonjour,
Supprimerpersonnellement je trouve de plus en plus difficile de devoir continuellement se justifier sur l'utilisation du numérique dans les classes. Ayant bien écouter ce monsieur qui se base ,encore une fois, sur des études QUI VONT UNIQUEMENT DANS SONS SENS sans apporter le contrepoids nécessaire à sa vision somme toute assez dogmatique.
encore une fois ce n'est pas l'objet en lui même qui est intéressant (twitter, tablettes etc..) mais bien L'UTILISATION qui en est fait qui peut apporter une réels plus valu dans les apprentissages. Il me semblait pourtant que le texte ci dessus était assez clair sur la plus valu pédagogique de twitter ainsi que les précautions d'usages à prendre. Pour ma part je trouve extrêmement intéressant cet outils....ainsi que le texte de son auteur!